En janvier 2020, après le premier album de la trilogie GÉOMÉTRIES SOUS-CUTANEES édité en 2019, j’écrivais ce qui suit pour l’album INTRICATIONS QUANTIQUES. J’aurais pu le dire tout autant pour l’album ERRANCES FRACTALES le dernier de la trilogie annoncée et je m’aperçois aujourd’hui, que cette démarche de création s’est profondément enracinée en moi. J’aime faire cette recherche expérimentale de sons pour envelopper les compositions qui sont toujours au piano à la base. L’exemple en est frappant sur l’album SHORT SERIES OF ARRANGED PIANO et je vous invite à prendre le canot pour m’accompagner dans le silence du large.
Alors, voici ce que j’écrivais :
Cher tous,
Je viens vous donner des nouvelles du prochain album. Je l’ai appelé « Intrications quantiques » pour garder à l’esprit d’inviter en permanence des signaux de l’espace, que ce soit par l’électro-acoustique ou des « field recordings » étranges, une fois passés dans les effets nombreux mis à disposition par l’ingénierie électronique.
Les qualificatifs de musique concrète restent d’actualité, mais je serais bien incapable de définir ce nouvel album. On redira électro, expérimentale, contemporaine, néo-classique, computer music, abstract, piano, et quoi d’autre si ce n’est néo-watine… Je sais seulement en toute humilité que je perce une route permanente dans une intimité musicale que je découvre à chaque nouvelle expérience. Je me rends compte que j’adore les partitions d’orchestre, les phrases qui se répondent, qui s’enchevêtrent, et puis, j’adore découper, assembler, tenter des absurdités ou du moins croire que peut-être elles en seront, et puis non, et puis il y a toujours un moment où j’ai besoin de refaire de la musique avec mes doigts sur les touches, alors, au final, le piano reste souvent au centre de la démarche, ce Pleyel droit qui est chez moi, passé quelquefois dans des pédales d’effets, ou le clavier maitre avec des bons samples.
Il y aura des rythmiques sourdes, qui s’enflent avant l’arrivée du piano, soutenu par une vibration électrique voulue céleste, mais quelquefois proche de l’enfermement, des petites lucioles, des chœurs souterrains, toujours des cordes, des vraies pour certains violoncelles majestueux que vous reconnaîtrez par leur ampleur naturelle, moins d’orchestrations mélodiques que dans les Géométries sous-cutanées, moins de construction léchée, mais plutôt un dénuement aride qui avance sans se soucier du qu’en dira-t-on, sans se soucier des appels musicaux que j’aurai pu avoir envie de faire intervenir. Ce disque sera pour une partie des titres, une épure à l’os, un piano sans complaisance, joué avec rudesse, et le bruit des bottes qui tente de le mettre à mal.
Et puis, comme à chaque plongée dans l’effrayant mais stimulant inconnu, ce seront (ce furent, car l’album est presque prêt) des espérances, certaines non abouties, des surprises qui m’ont surprise moi-même et comme toujours des vignettes qui dépassent les 5 minutes, voire les 7 minutes, parce qu’une fois prise dans les roulements, et les répétitions, je me laisse tournoyer et c’est toujours à regret que j’incline la courbe du fade out. Ne serait-ce que pour me contredire, certains morceaux se termineront tout nets, au bord du précipice.
L’accueil fait à l’album Géométries sous-cutanées m’avait surprise, en me donnant la sensation étrange que je pouvais délivrer de la beauté, de l’apaisement, de la couleur, de l’émotion. Le challenge n’en est que plus chancelant. Mais je ne sais que composer et me mettre à ma table de travail, surtout en ces temps si abandonnés.
Il y a une forme d’impudeur à vous dire tout cela, mais je reste hors de votre portée, et si j’ai le besoin d’énoncer mon futur proche, c’est comme une bouée que je me jette à moi-même dans une mer forte, tourmentée, où je ne sais plus si je sais vraiment nager, et combien de temps, il me faudra nager avant d’atteindre une rive. Alors, je vous embarque sur un canot proche pour m’encourager, et ne pas me laisser dans l’effrayante nuit noire.
Crédit photo : Watine par Renaud de Foville.